Logements Fournaises : Pourquoi on n’arrive pas à se rafraîchir


Mercredi, la Fondation Abbé-Pierre a publié un rapport critiquant l’insuffisance des politiques publiques pour s’attaquer au problème des logements « bouilloires », ces habitations mal isolées face aux températures élevées. Bien que des régulations existent pour les nouveaux bâtiments, la rénovation des structures déjà existantes se heurte à davantage de difficultés.

Logements Bouilloires en France: Un Fléau Inquiétant

En France, de nombreux logements souffrent d’une mauvaise ventilation et isolation, et manquent de volets, entraînant ce que l’on appelle des « logements bouilloires ». Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre publié le 21 août, 55% des Français ont déclaré avoir eu trop chaud chez eux pendant au moins 24 heures en 2023, mettant en lumière un problème croissant.

Le rapport signale aussi que le nombre de personnes vivant dans des logements « trop chauds » a augmenté de 26% depuis 2013, une statistique alarmante issue de données officielles compilées par la fondation.

Les nouvelles constructions doivent se conformer à des réglementations qui ont évolué au fil des ans. La plus récente, la Réglementation Environnementale 2020 (RE 2020), entrée en vigueur le 1er janvier 2022, vise à réduire drastiquement la consommation d’énergie des bâtiments tout en intégrant des mesures contre les excès de chaleur estivale. Ces mesures incluent une meilleure isolation thermique, une ventilation accrue, des systèmes de protection solaire et des réseaux de chaleur et de rafraîchissement pour éviter le recours à la climatisation individuelle.

Le risque d’une précarité énergétique

« Mais la construction neuve ne représente qu’1% de l’augmentation du total de logements par an environ, » relativise Danyel Dubreuil, coordinateur de Rénovons et expert en efficacité énergétique au sein du réseau Cler. Le véritable défi réside dans les logements existants, dépourvus de normes contraignantes pour faire face aux fortes chaleurs. Un calculateur officiel permet toutefois aux propriétaires de trouver les aides publiques disponibles pour la rénovation.

« La solution de base, c’est de recourir à la climatisation. Le problème, c’est qu’en recourant à cette solution de manière non maîtrisée et généralisée, on aggrave les problèmes », déplore Dubreuil. « La climatisation, en rejetant de l’air chaud, crée des îlots de chaleur en zones urbaines, intensifiant le phénomène de surchauffe et ceci génère une précarité énergétique en masse puisqu’elle nécessite une énergie considérable, qui n’est pas gratuite. »

« Il faut adosser une politique publique spécifique à l’adaptation à la chaleur, à l’image de ce qui a été fait pour les passoires thermiques pour le froid. »

Danyel Dubreuil, coordinateur de Rénovons

« La problématique de la chaleur est trop souvent négligée » par les pouvoirs publics, selon Dubreuil. Le rapport de la Fondation Abbé-Pierre souligne qu’un logement doit être maintenu à une température réglementaire minimum de 19 degrés en moyenne, mais aucune température maximale n’est fixée pour la location. Des travaux de l’Ademe questionnent notamment le bon usage de la climatisation et envisagent si une norme de refroidissement pourrait être fixée à 26 degrés, à l’instar de la norme de chauffage à 19 degrés. « Il n’y a pas de consensus général sur cette question », remarque l’expert.

En outre, d’autres obstacles compliquent la rénovation des bâtiments. « Nous devons reconsidérer de nombreuses approches culturelles, notamment le rôle des Architectes des Bâtiments de France (ABF) dans le processus décisionnel, qui, souvent, entrave la réalisation de travaux nécessaires. » Les ABF sont chargés de surveiller les projets de construction ou de rénovation dans des zones protégées, telles que celles situées à proximité des monuments historiques. Leurs avis peuvent parfois être contraignants.

Face à ces défis, il devient impératif pour la France de réformer et d’adopter des politiques publiques adaptées, non seulement pour améliorer les normes de construction mais aussi pour remédier à la crise des logements bouilloires qui affecte de plus en plus de citoyens. Il est temps de trouver un équilibre entre confort thermique et efficacité énergétique pour assurer une qualité de vie décente et durable pour tous.