Les employés de la chocolaterie Poulain à Blois, environ une centaine, sont arrivés à la triste conclusion que le patriotisme industriel n’est qu’un mirage. La fermeture de leur usine étant actée, ils résistent et s’y opposent fermement. Hier, ils ont exprimé leur mécontentement en manifestant contre cette décision.
Le Patriotisme Industriel est une Illusion : Clôture Imminente de la Chocolaterie Poulain
Le patriotisme industriel est une notion qui perd de son sens face à la réalité économique actuelle, comme l’illustrent les témoignages de la centaine de salariés de la chocolaterie Poulain, une usine historique qui s’apprête à fermer ses portes. Décryptage de cette situation sociétale avec Jean Viard, sociologue.
Patriotisme Industriel : Mythe ou Réalité ?
La chocolaterie Poulain, fondée en 1848, est une figure emblématique de l’industrie française. Malgré des volumes de production en baisse, les syndicats affirment que le site reste rentable. Que devient alors l’idée de patriotisme industriel lorsqu’une entreprise symbolique de l’identité nationale est menacée de fermeture ?
Selon Jean Viard, cette situation met en évidence le rôle crucial des marques dans la construction de l’identité nationale. Il souligne les travaux de Raphaël LLorca, qui montrent que la « marque France » est désormais plus portée par des grands groupes industriels que par les hommes politiques. Viard explique que des marques comme Poulain sont des éléments constitutifs de l’identité française. Cependant, il note un problème majeur : le chocolat est en train de disparaître en raison du changement climatique, ce qui perturbe profondément cette industrie.
Une Ressource en Péril
La rareté croissante du cacao entraîne une augmentation des prix. Viard soulève la possibilité de cultiver du chocolat ailleurs, mais reconnaît que cela n’est pas encore faisable. Il met également en lumière un autre obstacle : la consommation de produits sucrés diminue car de nombreuses personnes se préoccupent de leur santé. Ces facteurs combinés créent un véritable verrouillage des ressources disponibles.
Un Parking Révélateur
Viard adopte une méthode sociologique intéressante pour étudier le patriotisme industriel : il observe les parkings des usines pour voir d’où viennent les voitures des employés. Il constate que, souvent, celles-ci ne sont pas fabriquées en France ou en Europe. Cette observation illustre le décalage entre les discours sur le patriotisme industriel et la réalité des choix de consommation.
Le sociologue compare cette situation aux perceptions culturelles des voitures italiennes, vues comme moins solides mais très agréables. De même, les marques contribuent aux identités nationales, mais cela ne signifie pas forcément que le capital derrière ces marques soit national. Dans le cas de Poulain, l’entreprise appartient aujourd’hui à un fonds d’investissement étranger, bien que la marque reste française.
Le Rôle des Consommateurs
Viard estime que le patriotisme industriel repose en partie sur les choix des consommateurs. Les Français doivent acheter des produits locaux s’ils souhaitent soutenir l’industrie nationale. Toutefois, il pense que cela ne représente qu’un critère parmi d’autres dans les décisions d’achat. Par ailleurs, il partage des chiffres révélant qu’en France, un million d’entreprises ont été créées l’année dernière tandis que 53 000 ont été fermées, indiquant que la dynamique de création d’entreprises est loin d’être négative.
Il est crucial de comprendre que le paysage économique évolue, avec des secteurs en crise comme l’automobile et l’alimentation, tandis que d’autres, comme la bière, connaissent une croissance. Viard insiste sur l’importance d’être sensible aux ouvriers et aux employés qui perdent leur emploi, soulignant que la mondialisation entraîne une mobilité accrue des entreprises.
L’Attachement aux Marque et la Discontinuité
Les témoignages des salariés de Poulain montrent un profond attachement à l’usine, à la marque, et à l’institution. Beaucoup ont passé toute leur carrière chez Poulain et vivent très mal cette fermeture. Jean Viard souligne que dans une société marquée par la discontinuité, les changements imposés peuvent être vécus comme des agressions violentes.
Les salariés doivent être soutenus, mais Viard reste réaliste : il est peu probable que notre monde sorte de cette dynamique de discontinuité. Les entreprises cherchent des profits, souvent au détriment de la main-d’œuvre locale, et cette logique de mondialisation semble inévitable à ses yeux.
Dans ce contexte, le patriotisme industriel apparaît comme une illusion, une idée qui peine à s’ancrer dans les réalités économiques et sociales de notre époque.
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