L’IA : Ni émotions, ni satisfaction – une radiologue témoigne


Pendant la saison estivale, franceinfo engage des discussions avec divers travailleurs – qu’ils soient salariés, freelances ou dirigeants d’entreprises – sur leur relation aux technologies d’intelligence artificielle. Ils explorent comment ces outils sont intégrés dans leurs activités quotidiennes et en quoi ils transforment leur manière de travailler. Ce jour-là, ils ont rencontré Marie-Pierre Revel, qui préside le service de radiologie à l’hôpital Cochin et supervise les activités de dépistage pour la Société française de radiologie.

Le Rôle Croissant de l’Intelligence Artificielle en Radiologie : Entretien avec Marie-Pierre Revel

Comment les employés, chefs d’entreprise et travailleurs autonomes interagissent-ils avec les intelligences artificielles ? Sarah Lemoine est allée à la rencontre de Marie-Pierre Revel, chef de service de radiologie à l’hôpital Cochin et responsable du dépistage pour la Société française de radiologie, pour en savoir plus.

Marie-Pierre Revel a intégré l’intelligence artificielle dans ses pratiques médicales depuis de nombreuses années. Dès 2002, bien avant que ces technologies ne soient courantes dans les hôpitaux, elle se tourne vers la reconnaissance vocale. « J’ai eu l’opportunité de participer à l’ouverture de l’hôpital Pompidou à Paris. À cette époque, nous avons expérimenté l’utilisation de la reconnaissance vocale pour créer les comptes rendus radiologiques. Cela remonte à 22 ans ! »

Auparavant, la méthode traditionnelle consistait à dicter les observations sur une cassette, puis à confier l’enregistrement à une secrétaire pour la transcription. L’utilisation de la reconnaissance vocale a permis un gain de temps remarquable. Les comptes rendus sont désormais disponibles plus rapidement pour les patients et sont également plus précis, car le texte s’affiche à l’écran et permet une autocritique immédiate. »

Détection des Fractures et des Nodules Pulmonaires : Deux Systèmes d’IA au Service de Radiologie de Cochin

Au sein du service de radiologie qu’elle dirige à l’hôpital Cochin, deux systèmes d’intelligence artificielle sont utilisés quotidiennement par Marie-Pierre Revel. Un premier pour la détection des fractures, et un second pour repérer les nodules pulmonaires.

« C’est comme si nous avions deux lecteurs : un humain et un autre, une intelligence artificielle. Nous commençons toujours par une analyse sans IA, puis nous comparons avec les résultats de l’IA. Cette dernière présente l’avantage de ne pas se fatiguer ni de succomber à la ‘satisfaction à l’anomalie’ ou ‘satisfaction of search (SOS)’ en anglais. »

Marie-Pierre Revel, radiologue

« En pratique, continue Marie-Pierre Revel, nous, radiologues, lorsque nous détectons une première anomalie, notre vigilance peut diminuer. Nous avons l’impression d’avoir achevé notre tâche, bien qu’il puisse y avoir des éléments plus subtils mais cruciaux pour le patient. L’IA, quant à elle, analyse chaque donnée sans préjugé, peu importe le nombre d’anomalies déjà détectées. »

L’IA et les Limites des Algorithmes Prédictifs

Interrogée sur les défis soulevés par l’intelligence artificielle en médecine, le professeur Revel évoque les limites des algorithmes prédictifs. « Je ne possède pas de boule de cristal ! Après avoir interprété un scanner, si l’algorithme prédit qu’un patient ne réagira pas au traitement ou qu’il a une espérance de vie à cinq ans de 12%, cela engage ma responsabilité sans possibilité de vérification. »

« Cela soulève aussi des questions éthiques : faut-il tout prédire ? Si nous savions qu’en 2047 à 18h02 nous décéderions, est-ce que cela serait réellement bénéfique ? C’est ce que j’appelle un ‘savoir encombrant’. »

Marie-Pierre Revel, radiologue

Bien que Marie-Pierre Revel considère les intelligences artificielles comme indispensables en radiologie, particulièrement pour la détection, elle insiste sur la nécessité d’une validation humaine continue. Les IA, malgré leur nom, ne sont pas vraiment intelligentes d’après elle.

L’Avenir des Intelligences Artificielles en Médecine

Avec les avancées constantes en intelligence artificielle, la collaboration entre l’humain et la machine est vouée à se renforcer. Les IA apportent une aide précieuse dans le diagnostic et la détection, mais elles nécessitent toujours une supervision humaine pour valider et interpréter les résultats. Le défi consiste désormais à exploiter le potentiel des IA tout en adressant les préoccupations éthiques et légales qu’elles suscitent.

La profession médicale est à un tournant où l’intelligence artificielle pourrait devenir un allié incontournable, capable de transformer les pratiques et d’améliorer les soins prodigués aux patients. Cependant, comme le souligne Marie-Pierre Revel, la prudence et l’éthique doivent guider cette intégration pour en tirer le meilleur parti tout en minimisant les risques.