Dérives sectaires : comprendre le délit de « provocation à l’abstention de soins » voté par l’Assemblée nationale


Le projet de loi visant à lutter contre les charlatans dans le domaine de la santé a finalement été adopté malgré des débats animés. Certains s’opposent à cette mesure, arguant qu’elle menace les libertés publiques.

Projet de loi contre les dérives sectaires adopté après un rejet fracassant : ce qu’il faut savoir

Il vise à lutter contre les « gourous 2.0 »
Le projet de loi contre les dérives sectaires a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, malgré un précédent rejet de la mesure. L’article 4, qui crée un nouveau délit de « provocation à l’abstention de soins » médicaux, a été réintégré après de longs débats. Ce projet de loi vise à lutter contre les « charlatans » et les « gourous 2.0 » qui promeuvent sur internet des méthodes présentées comme des « solutions miracles » pour guérir de maladies graves comme les cancers. Ces méthodes, souvent sans formation scientifique, peuvent dériver vers des comportements sectaires. Parmi ces méthodes, on retrouve le crudivorisme, une forme de naturopathie qui prétend soigner le cancer en mangeant des légumes crus, ou encore le jeûne thérapeutique ou total.

La secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, a souligné que le nombre de signalements à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a doublé depuis 2010, en partie à cause de l’épidémie de Covid-19 et de l’utilisation des réseaux sociaux. La rapporteuse du texte, Brigitte Liso, a défendu ce nouveau délit en soulignant qu’il comblerait une lacune dans l’arsenal juridique en matière de lutte contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire.

Jusqu’à trois ans de prison pour ces « provocations »
L’article 4 propose de modifier le Code pénal pour punir la provocation sur une personne malade à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical si cela expose cette personne à un risque de mort ou de blessures graves. Les peines encourues pour ce délit pourraient aller jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende lorsque cette provocation a été suivie d’effets. Ces mesures visent à dissuader les individus de promouvoir des pratiques mettant en danger la vie d’autrui.

Le Conseil d’État doute du bien-fondé de la mesure
Avant d’être adopté, cet article avait suscité des réserves et des critiques. En effet, le Conseil d’État avait émis des doutes quant à la nécessité de créer ce nouveau délit, arguant que le droit actuel permettait déjà de réprimer la plupart de ces pratiques. Il a également mis en garde contre le risque que ce délit constitue une atteinte à la liberté d’expression, aux débats scientifiques, et au rôle des lanceurs d’alerte.

Un article rejeté, modifié et… adopté
Malgré ces critiques, l’article 4 a finalement été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, mais non sans mal. Une première version de cet article avait été rejetée par une majorité de députés présents dans l’hémicycle. Cependant, après une nouvelle délibération et des modifications apportées à l’article, il a finalement été adopté par 182 voix contre 137. Le projet de loi doit maintenant passer devant le Sénat pour être adopté dans des termes identiques, dans une date à venir.