Elus sous le feu du cyberharcèlement : témoignages poignants


En l’espace d’une année, le nombre d’attaques à l’encontre des politiciens a augmenté de 15%. De plus, une part importante de ces attaques, soit un quart, sont perpétrées sur les plateformes de réseaux sociaux.

Les violences contre les maires en hausse de 15% en 2023

Alors que le congrès de l’Association des maires de France s’ouvre mardi 21 novembre, avec pour thème « communes attaquées, République menacée », le ministère de l’Intérieur révèle que les atteintes contre les élus ont augmenté de 15% en 2023 par rapport à 2022. Lundi 20 novembre, le nombre d’atteintes aux élus est déjà de plus de 2 500, contre 2 265 pour toute l’année précédente. Parmi ces atteintes, un quart a lieu sur les réseaux sociaux et constitue du cyberharcèlement.

Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais en Haute-Savoie, subit du harcèlement en ligne depuis plus de trois ans. Tout commence en 2020, quand l’élu annonce que sa commune va accueillir un déplacement du président de la République Emmanuel Macron. C’est le début d’un déferlement d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux. « En deux jours j’en ai reçu à peu près 800, sur Facebook, Twitter ou Instagram, rapporte l’élu. Ces messages sont envoyés par des gens qui sont « cagoulés » sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire soit de faux profils, soit de vrais profils camouflés. Aujourd’hui on peut se cacher derrière un écran, c’est facile. »

## Une vraie violence psychologique

Depuis, le cyberharcèlement continue : menaces sur Facebook pour des histoires de permis de construire, insultes sur Twitter pour des questions d’urbanisme… Jean-Marc Peillex raconte : « J’ai vraiment eu toute la litanie de ce que vous pouvez imaginer : pédophile, magouilleur, détournement d’argent public. Quand le maire fait son travail, c’est un moyen de pression. On va le faire plier par tous les moyens possibles. »
Heureusement, malgré les menaces, il n’y a jamais eu aucun passage à l’acte. En revanche, Jean-Marc Peillex a ressenti une vraie violence psychologique. « Cela vous touche parce qu’au bout d’un moment, c’est déstabilisant, c’est inquiétant, confie-t-il. Vous ne savez pas jusqu’où les menaces peuvent aller. J’ai ressenti des conséquences physiques de ce harcèlement, mes cheveux ont blanchi par exemple … Je résiste mais c’est vrai challenge aujourd’hui d’être confronté à ces extrémistes. » Le maire de Saint-Gervais a évidemment porté plainte auprès de la gendarmerie. « On est aidés par les institutions, mais elles ne font que ce qu’elles ont le droit de faire », explique-t-il.

« Ce sont des personnes qui se cachent derrière des serveurs, qui vont leur permettre de masquer leur identité »

Marie-Laure Pezant, porte-parole de la gendarmerie nationale

« On va parfois dépendre de la législation de pays étrangers qui abritent des adresses IP par exemple. C’est pour cette raison que les élus ont parfois l’impression que c’est long, que ça n’aboutit pas. Mais dans la grande majorité des cas, on retrouve les individus. Il ne faut pas croire qu’internet peut nous rendre totalement anonyme », déplore la porte-parole de la gendarmerie.

La porte-parole de la gendarmerie incite donc les maires à porter plainte contre le cyberharcèlement, car beaucoup ne le font pas. « C’est un phénomène qui est parfois banalisé parce qu’ils se disent : ‘Bon, je me fais insulter, mais ça fait partie du métier.’ Mais non, ça ne doit pas faire partie du métier. Avant, l’élu était insulté sur les réseaux en tant qu’élu. Désormais, il est parfois insulté en tant que personne, ainsi que sa famille. Mais selon Marie-Laure Pezant, il y a bien une libération de la parole, qui explique en partie l’augmentation des chiffres d’atteintes aux élus. La porte-parole de la gendarmerie nationale l’affirme : les élus dénoncent beaucoup plus souvent ces violences qu’il y a dix ans.