AI : Une traductrice freelance perd 60% de son chiffre d’affaires


Pendant toute la période estivale, nous interrogeons diverses catégories de travailleurs – qu’ils soient employés, fonctionnaires, indépendants ou dirigeants d’entreprise – afin de comprendre leur relation avec les intelligences artificielles génératives. Nous explorons la manière dont ils utilisent ces technologies et comment celles-ci transforment leurs méthodes de travail. Aujourd’hui, c’est au tour de Virginie Maisonobe, qui exerce la profession de traductrice, de partager son expérience.

Virginie Maisonobe : De la Traduction à la Référence Web Trilingue

Virginie Maisonobe, âgée de 42 ans, n’a pas initialement prévu d’entamer une carrière dans la traduction. Après des études de langue et de journalisme, c’est par un concours de circonstances qu’elle se retrouve plongée dans ce domaine, il y a maintenant 17 ans. À cette époque, elle résidait à Berlin et a commencé par traduire des logiciels. Peu à peu, elle a orienté son travail vers le secteur du e-commerce, s’occupant de la traduction de sites internet, brochures, catalogues, fiches produits et newsletters. Aujourd’hui, elle exerce en tant que freelance depuis son domicile à Clermont-Ferrand. L’été dernier, l’irruption de l’intelligence artificielle générative a radicalement transformé sa pratique professionnelle.

« J’ai reçu un courriel d’un client m’informant qu’il voulait changer notre mode de collaboration. Au lieu de me demander de traduire les textes, il souhaitait que je les relise après qu’ils aient été traduits par ChatGPT. J’avais déjà pressenti que les IA allaient profondément modifier mon métier. J’ai accepté, en me disant que l’on verrait bien par la suite. Et c’est ainsi que tout a débuté ».

Virginie Maisonobe, traductrice

Quelques semaines plus tard, un autre client a mis fin à leur collaboration. Cette succession d’événements a conduit Virginie à perdre 60% de ses revenus entre août et décembre 2023.

« Cela a été brutal, j’avais du mal à y croire car ces clients étaient satisfaits de mon travail et nous collaborions depuis longtemps. En tant qu’indépendant travaillant sous contrat, je savais que tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain, mais cela a tout de même été un choc de perdre une telle part de mon chiffre d’affaires en si peu de temps. C’était comme si mes compétences et mon expérience accumulées au fil des années n’avaient plus aucune valeur du jour au lendemain ».

Virginie Maisonobe

Virginie Maisonobe a dû se plier à un travail de post-édition

Un travail qui consiste à relire et corriger des textes pré-traduits par une intelligence artificielle ou un outil de traduction automatique. « La post-édition ressemble à un travail à la chaîne. On nous demande de travailler beaucoup plus rapidement sur des volumes significativement plus importants. Il y a moins d’opportunités de poser des questions au client en cas de problème de compréhension.

Et surtout, il y a peu de place pour la créativité. Même si le commerce en ligne n’équivaut pas à de la traduction littéraire, traduire un slogan, un titre de newsletter ou du contenu marketing peut tout de même solliciter la créativité d’un traducteur. C’est ce qui me plaisait dans ce métier. Maintenant, cela m’intéresse beaucoup moins. »

La traductrice a finalement décidé de changer de métier

« Je n’ai rien contre l’IA, mais je refuse d’être passive face à cette nouvelle technologie, car je suis convaincue qu’elle va toucher tous les secteurs. Je veux l’utiliser de manière proactive. J’ai préféré changer de voie et utiliser mes compétences dans un domaine qui me paraît moins exposé. »

Virginie Maisonobe

Virginie Maisonobe a donc pris la décision de se réorienter. Cet été, elle intégrera une entreprise en tant que référenceuse web trilingue, maîtrisant l’allemand, l’anglais et le français.